CONTRIBUTION AU Schéma Régional Biomasse (SRB) – Argumentaire

L’objectif de 7% de biogaz 2030 de  la PPE (programmation Pluriannuelle de l’Energie), repris par le SRB renforce la montée en puissance des unités de méthanisation, déjà observée ce qui sort les méthaniseurs de leur caractère « à la ferme » vers le modèle industriel.

  • Développement de la filière, énergie décarbonée et émissions GES

Selon le scénario 7% biogaz -2030 de la PPE [Programmation pluriannuelle de l’énergie), il faut environ 2500 unités soit une tous les 10 km de SAU [surface agricole utile].

Selon le scénario ADEME 2018, Il  faudrait environ 10 000 métha pour atteindre 1/3 du gaz naturel en biogaz soit en moyenne  un méthaniseur tous les 5-6 km de la SAU (Surface Agricole Utile) ou un tous les 7-8km de la France métropolitaine.

Pour atteindre l’objectif délirant de GRDF (100% biogaz en 2050), il faudrait, selon leur taille, entre 35 et 45 000 unités !

Scénario ADEME 10% 2030 :  la surface à consacrer à la méthanisation est énorme, 3% de la France métropolitaine, et 6 % de la Surface Agricole Utile (SAU) !

Un objectif 2050 irréaliste, complètement démesuré qui représenterait moins de 20% de la conso E actuelle et qui contribuerait à une aggravation des émissions de GES (gaz à effet de serre)!

Selon le CSNM (Conseil Scientifique pour une Méthanisation Raisonnée), la méthanisation, procure un renfort de 4% des émissions de CO2 dans le scénario ADEME, malgré ce qui est annoncé partout. Tout simplement à cause du déstockage du carbone organique du sol qu’elle provoque.

A cela il faut ajouter les émissions dues aux changements d’affectation des sols, aux épandages, aux fuites de méthane et autres gaz+ les transports.

Nous demandons un bilan complet des émissions générés par cette technologie qui nous emmène à l’opposé de l’effet recherché.

  • Objectif développement Grand Est, quelles conséquences:

400 en 2030 – 1000 en 2050 ?  un tous les 15 km SAU puis un tous les 5km !

En termes d’intrants

Concernant les déjections animales : pourcentage à peu près constant de 10%de 2023 à 2050.

Concernant la somme des cultures diverses + résidus + herbe : le pourcentage passe de 15% en 2023, à38% en 2030 et 71% en 2050 !

On est bien loin des tableaux de présentation des intrants de la Chambre agriculture Grand Est et 88 (situation 2019) et qui justifiaient le développement de la filière (d’abord valorisation des déjections animales), à savoir les 2/3 (3/4 pour le 88) de déjections animales et 15% maximum de cultures dédiées

Concurrence entre agriculteurs méthaniseurs

La moyenne de chalandise des intrants est aujourd’hui (database du CSNM) de 30 km, les méthaniseurs sont donc déjà en situation de compétition pour l’approvisionnement en intrants.

Vouloir installer un méthaniseur tous les 10 voire 5 km est complètement insensé.

Les ambitions sont une chose, mais la réalité une autre quand notre territoire ne possède pas la superficie de réalisation et que des pays Européens achètent déjà des intrants de méthanisation en France, comme l’Allemagne et la Belgique !

Concurrence entre énergéticiens et agriculteurs

La quête de cultures, résidus de culture, d’herbe…aura comme conséquences une concurrence entre agriculteurs, avec les éleveurs notamment qui déjà  dans le contexte climatique manquent de fourrages et paille et voient les prix s’envoler. On voudrait voir disparaitre ce type d’exploitants qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! On s’oriente vers la concentration des élevages (grosses unités) alors qu’il faudrait développer l’élevage bio, extensif, protégeant la biodiversité et la ressource en eau…

Conséquences environnementales

  • Baisse du taux d’humus dans les sols et baisse de leur fertilité

La nature des digestats riches en azote mais faible en carbone, constitués de chaines carbonées stables (pour sa partie solide) est un mauvais amendement pour le sol. Cela crée une faim des bactéries qui vont alors puiser dans le carbone organique des sols.

Selon le CSNM c’est environ 0.5% du COS qui va être consommé chaque année (scénario 7% biogaz 2028), ce qui ne sera observé que dans quelques années, mais les dégâts seront là !

Cette conséquence est préoccupante car une baisse de la teneur en matière organique est décelée depuis des dizaines d’années et générée par :

o l’intensification de l’agriculture d’une manière générale

o le retournement des prairies qui se traduit

o la surfertilisation azotée

Cette baisse du taux de matière organique des sols aurait une conséquence directe sur leur perméabilité (la baisse de la perméabilité entraînant une augmentation des phénomènes de ruissellement et ses conséquences sur la survenue des inondations), sur l’aptitude du sol à stocker de l’eau et sur la fertilité des sols.

Ceci alors même que le GisSol pointe du doigt de manière criante l’appauvrissement des sols, notamment en Matière Organique, et le tassement irréversible qui en résulte pour 40% des sols français (en 2016), et va en sens contraire du mouvement des 4 pour 1000 pour les sols signé en 2015 par le ministère précédent(Alim’Agri 2015)…

Enfin, la biodiversité du sol est mise en danger, par le pH trop élevé du digestat liquide et par la matière insuffisamment décomposable du digestat solide. Bilan : moins de COS, moins de micro- et macro-organismes, terres infertilisées, davantage d’engrais chimiques nécessaires !

A moyenne et à grande échelle, la méthanisation s’oppose à l’enjeu de restauration des sols en agriculture et à l’impératif de changement du modèle agricole et agroalimentaire français.  En poursuivant la promotion du modèle agricole intensif qui maintient et développe l’élevage hors-sol et développe les cultures au détriment des prairies, le monde agricole va à l’encontre d’une agriculture respectueuse de l’environnement contrairement à la présentation idéalisée et verte de la méthanisation.

La souveraineté alimentaire est mise en danger pour une souveraineté énergétique improbable.

  • Pollution de l’eau : L’AERM (Agence de l’Eau Rhin Meuse) dresse un bilan alarmant.

Elle constate « le développement de surfaces significatives de maïs dédiées aux méthaniseurs, parfois au détriment des surfaces de prairies », et une « intensification des cultures intermédiaires […] gérées de manière à augmenter leur productivité ». L’Agence juge, en outre, que « les digestats devraient être considérés comme de l’azote minéral […] afin de limiter les risques de pollution des ressources en eau ». Enfin, elle observe, sur le bassin-versant du Rupt de Mad, qui alimente en grande partie Metz (Moselle) en eau potable, « une dégradation importante de la qualité des ressources », avec des pics de nitrates beaucoup plus hauts sur la partie « méthanisée ».

L’intensification des pratiques, le développement des cultures au détriment des prairies, les épandages intempestifs de digestats (à l’automne – sur CIPAN cultures intermédiaires pièges à nitrates), le tassement des sols, entrainent la contamination des eaux par les nitrates voire les pesticides, ce qui est particulièrement inquiétant pour la qualité de l’eau potable.

  • Pollution de l’air

En plus des GES, l’épandage des digestats ainsi que les transports (intrants + digestats) génèrent des particules fines, NOx et aggravent la pollution de l’air bien au-delà des exploitations.

De plus les riverains sont soumis à des nuisances olfactives importantes dues à des gaz (et leurs retombées sanitaires sur les populations et l’environnement).

Insoutenabilité économique et agronomique

Les subventions destinées à la méthanisation sont irréalistes.

La subvention à la construction (aujourd’hui en moyenne de 16% tous méthaniseurs confondus) est logiquement attendue en rapport de la création d’emplois générée et de l’énergie produite..

Nous mesurons aujourd’hui une subvention moyenne de plus de 700 000 € par emploi direct créé.

La subvention au rachat du gaz proposé par le décret PPE, même en incluant sa baisse progressive dans le temps, se rajoute au non-sens précédant.

On peut imaginer des subventions hors-normes pour une industrie procurant des atouts majeurs et dont l’impact environnemental est fortement positif, mais pas pour une industrie à externalités négatives comme la méthanisation.

Dés 2012, l’Académie des Sciences Allemande a alerté sur l’absurdité de recourir à la biomasse à des fins énergétiques, et en 2020, les scientifiques Canadiens de l’Université de Montréal prédisent le fiasco économique à venir du développement du gaz naturel « renouvelable ».

Une très grande partie des subventions doivent être ré-aiguillées vers plus de sobriété et de rénovation énergétiques, et vers des productions EnR plus vertueuses.

Incidentologie

L’incidentologie croissante au fur et à mesure des implantations de méthaniseurs, est inquiétante pour la

biodiversité et l’aspect sanitaire. Les incidents, qui jusqu’en 2014 étaient de l’ordre de 0,006 incidents par méthaniseur et par an (depuis les années 1990), sont depuis 2015 à hauteur de 0,03 par méthaniseur et par an. (Cf schéma contribution)

Il apparaît que le rythme de l’incidentologie croît plus vite que celui des installations, preuve d’un manque de considérations des dangerosités de ces usines. En 2019, 2 morts sur sites sont à déplorer.

Conclusion

Au regard des besoins énergétiques actuels la méthanisation représente-t-elle une alternative significative ? Avec l’objectif de 7% biogaz en 2028, cela  représenterait à peine plus de 1% des besoins en Energie actuels…

Cette faible contribution mérite-t-elle :

  • Une aggravation des émissions GES (renforçant encore le réchauffement),
  • Une dégradation de notre ressource en eau,
  • Une suppression programmée de l’élevage de qualité,
  • Une aggravation de la baisse du taux d’humus dans les sols,
  • Une intensification d’une forme d’agriculture devenue insoutenable,
  • Un engagement des agriculteurs dans une impasse,
  • que l’on sacrifie à l’énergie des surfaces démesurées qui vont manquer à l’agriculture vivrière…

La réponse va de soi.

FNE GE et la Confédération Paysanne GE, en réflexion avec la LPO 54, s’opposent à cet objectif démesuré de mobilisation de la biomasse agricole en vue de la production énergétique par méthanisation.

Si la méthanisation a sa place dans le mix énergétique, elle ne peut s’envisager que par petites unités, à l’échelle de quelques exploitations en équilibre avec les productions de la SAU, avec une valorisation énergétique locale et à partir de déchets vrais. Le retour au sol direct (cultures – déjections animales – déchets verts+biodéchets) doit être priorisé. Les boues de STEP peuvent par contre être valorisées en méthanisation à condition que les digestats ne soient pas épandus sans contrôle indépendant rigoureux (toxiques pour les sols, l’eau, la biodiversité, la chaine alimentaire).

En conséquence nous demandons la mise en place d’un moratoire pour toute nouvelle implantation, le temps de faire un bilan précis global énergétique et climatique avec(ACV)  analyse du cycle de vie complète, et des conséquences économiques sociales et environnementales des unités existantes.

Pour approfondir, dossier argumenté et chiffré – Contribution de FNE Grand Est, La confédération paysanne Grand Est, la LPO 54 au projet de schéma régional biomasse Grand Est –  « Contribution FNE GE – conf – LPO 54(1)? »

 

VNE 88

Author VNE 88

More posts by VNE 88

Leave a Reply

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.